La VMA : une fausse bonne approche ! Part I
On nous demande souvent pour quelle raison on n’utilise pas la VMA dans GUTAÏ ⁉️ Alors on peut vous faire la version courte, notre expérience de terrain auprès de nombreux athlètes nous a montré que cette valeur n’est pas la meilleure approche pour l’entraînement d’endurance 😉. Ou alors vous avez la version un peu plus longue où nous allons explorer les différents éléments qui nous ont poussé à utiliser les performances réelles de l’athlète pour définir ses zones d’intensités personnelles plutôt que d’utiliser la VMA
Détermination de la VMA
La VMA correspond à la vitesse minimale d’atteinte du VO2max. Le VO2max étant un facteur central de la performance d’endurance, on va utiliser la valeur de VMA comme une vitesse étalon pour construire des entraînements qui vont permettre de solliciter le VO2max afin de le développer.
Pour déterminer la VMA on utilise généralement un test avec une augmentation progressive de l’intensité en utilisant la relation linéaire entre l’évolution de la consommation d’oxygène (VO2) et l’intensité de l’exercice (Margaria & coll, 1965).

Plusieurs tests proposant différents protocoles sont disponibles pour déterminer la VMA. Mais il faut faire attention dans le choix du test qu’on va utiliser.
En effet, les protocoles avec des paliers d’effort trop court (<1’) induisent une Vitesse Maximale (Vmax) supérieure à VMA. A l’inverse avec des paliers d’effort trop long (>3’) la Vmax est inférieure à VMA. De même, une accélération trop importante de la vitesse entre chaque palier d’effort peut également fausser la valeur de VMA.
La valeur de VMA calculée est donc directement en relation avec le protocole de test utilisé. Un même athlète peut avoir différentes valeurs de VMA selon le test utilisé (cf. figure 2). Par exemple, si vous utilisez le test VAMEVAL qui consiste à augmenter la vitesse de 0,5Km/h par minute, alors vous obtiendrez une valeur de VMA liée au VAMEVAL. Si vous utilisez le test Vaussenat, protocole intermittent avec des paliers d’efforts de 3’/ récup. 1’, vous obtiendrez une valeur de VMA liée au Vaussenat.
Cette VMA différente selon le protocole utilisé pose un problème de fiabilité. Voici déjà un 1er élément qui nous pousse à ne pas utiliser la VMA pour l’entraînement des athlètes.

Mais allons un peu plus loin dans notre réflexion pour vous montrer les soucis que posent la détermination de la VMA !
Les athlètes d’endurance réalise généralement des efforts longs à intensité constante avec une stratégie d’allure équilibrée. Ils ne sont pas du tout habitués à réaliser des efforts avec une augmentation progressive de l’intensité. Avec ce genre de protocole, chaque effort subit l’influence du précédent. Cette forme d’exercice progressif ne correspond en rien aux efforts d’entraînement et de compétition auxquels l’athlète d’endurance est soumis habituellement. On peut donc voir des athlètes spécialistes du 1/2 fond (800-1500m) être plus performant sur ces tests progressifs que des marathoniens.
- Le marathonien aura souvent une VMA sous-estimée sur des tests avec une intensité progressive
- Alors que le demi-fondeur, habitué à des efforts intenses, est capable de passer 1 à 2 paliers supplémentaires durant un test VMA. Plus le palier d’effort est court et plus cet athlète sera susceptible de surévaluer sa VMA.
Mais voilà lors d’un test de terrain pour déterminer la VMA on utilise rarement un appareil pour suivre l’évolution des échanges gazeux (volume d’oxygène utilisé à l’effort), on ne peut pas savoir si le VO2max a été atteint lors du test VMA. Dans ces conditions il est très compliqué de valider une VMA sans savoir si le VO2max a bien été atteint. On est ainsi dans l’incapacité de savoir si la VMA est sur ou sous-estimée ?
Conséquences pour l’entrainement
Des athlètes ayant la même valeur de VMA ne vont pas avoir la capacité de maintenir 100% VMA jusqu’à épuisement sur la même durée. Les athlètes puissants qui sont capables de maintenir des intensités élevées sur une courte période vont généralement avoir une surestimation de leur VMA ce qui va occasionner un temps de soutien à 100% VMA relativement faible. A l’inverse des athlètes endurants dont la VMA aura été bien souvent sous-estimée auront généralement un temps de soutien élevé à 100% VMA. Dans les extrêmes on a déjà vu des temps de soutien à 100% VAM (TLIM100) allant de 3’ à 12’ (figure 3).

On sait qu’un athlète est capable d’effectuer un volume de 50-60% de son TLIM100 lors d’une séance d’entraînement à base d’intervalles à 100% VMA avec une récupération égale au temps de travail à 50% VAM (Billat & al, 1999 ; Smith & al, 1999).
Concrètement, ce genre de séances permettant une forte progression en 4 à 8 semaines (↗️ VO2max, ↗️ amélioration de la performance sur 3Km) sont construites de la manière suivante :
TLIM 100 |
Contenu de la séance |
Durée accumulée @100% VMA |
3’ |
5*1’30’’ @100% VMA/ r 1’30’’ @50% VMA |
7’30’’ |
3’ |
5*1’48’’ @100% VMA/ r 1’48’’ @50% VMA |
9’ |
12’ |
5*6’ @100% VMA/ r 3’ @50% VMA |
30’ |
12’ |
5*7’12’’ @100% VMA/ r 7’12’’ @50% VMA |
36’ |

Maintenant si on prend l’exemple d’une séance d’entraînement type traditionnellement utilisée par les coureurs composée de 3*(10*30’’ @100% VMA/ r 15’’ @50% VMA) soit un volume accumulé de 15’ @100% VMA :
- L’athlète ayant un TLIM 100 de 3’ passera 7’30’’ au-dessus du volume @100% VMA qu’il est capable d’assimiler pour progresser
- Alors que l’athlète ayant un TLIM 100 de 12’ passera 15’ en-dessous du volume @100% VMA dont il a besoin lors d’une séance pour progresser.
- Pour l’un la séance va être perçue comme très difficile alors que pour l’autre ce sera une séance facile.
On voit bien que l’utilisation isolée de la VMA pour construire une séance d’entraînement pour solliciter le VO2max ne doit pas être identique pour des athlètes ayant la même valeur de VMA mais un TLIM 100 différent.
Si on veut aller encore plus loin, il n’y a pas que le TLIM100 qui est différent pour des athlètes ayant une VMA identique, ce serait trop simple. Le temps limite est différent pour chaque %, ainsi des athlètes avec une VMA identique auront également un TLIM @90%, 105%, 110% … différent.
Proposer les intensités d’entraînement en fonction d’un % de VMA ou d’une durée identique pour tous les athlètes n’est pas la bonne approche si on veut permettre à l’athlète de progresser mais aussi de maintenir sa motivation en réalisant des séances sur-mesure et individualisées en fonction de son profil.
C’est pour cette raison que dans GUTAÏ nous avons fait le choix d’utiliser la vitesse critique qui permet de prescrire des intensités d’entraînement optimales en fonction du profil métabolique de l’athlète.
La vitesse critique correspond à la relation entre l’intensité et le temps, elle est calculée à partir des meilleures performances de l’athlètes sur des durées comprises entre 3’ et 20’.
Cette vitesse critique correspond à une valeur seuil étalon qui permet de construire les différentes intensités.

Chez GUTAÏ on utilise 2 modèles différents, soit :
- Modèle 1 : meilleures performances sur 5’ et sur 20’
- Modèle 2 : meilleures performances sur 1Km, 3Km, 5Km.
Un athlète avec les chronos suivants :
- 1Km : 3’20’’ (18Km/h)
- 3Km : 10’35’’ (17,01Km/h)
- 5Km : 19’17’’ (15,56Km/h)
- Aura une vitesse critique de 15,01Km/h et les zones suivantes :

La connaissance des performances sur plusieurs durées nous permet également de calculer la taille du réservoir énergétique (rJ) de l’athlète. Ce réservoir énergétique correspond à la distance pouvant être réalisée au-dessus de sa vitesse critique avec un stock énergétique intramusculaire disponible rapidement.
En ayant connaissance de la vitesse critique et de la valeur du rJ, notre algorithme issu de notre laboratoire d’innovation va pouvoir calculer les intensités sur-mesure en fonction du profil de l’athlète.
Exemple pour un athlète ayant une vitesse critique de 15,01Km/h. En jouant sur la durée de la récupération on obtiendra des vitesses différentes pour une séance de 5*2’30’’.


On voit qu’en prenant une récupération plus longue (2’30’’ vs 1’15’’), la vitesse de l’intervalle à haute intensité est plus élevée (3’21’’/ Km vs 3’42’’).
L’utilisation simple de la VMA ne permet pas un calcul aussi précis d’une séance d’entraînement. En ciblant au plus juste les bonnes intensités d’entraînement on va renforcer la réponse adaptative et la progression de l’athlète.
En conclusion :
La VMA peut être un indice intéressant mais elle doit être reliée à d’autres tests pour construire les zones d’intensités.
Un test unique ne permet pas la prise en compte de différents paramètres comme le profil métabolique de l’athlète (puissant vs endurant) ou le calcul du réservoir énergétique.
Le concept de vitesse critique s’avère à l’heure actuelle des connaissances une approche fiable et précise pour définir les zones d’intensités ou prédire les performances (cf. prochain article).
Lorsqu’on veut calculer ses zones d’intensités d’entraînement il faut se poser différentes questions pour choisir son(ses) test(s) :
- Est-il fiable et reproductible ?
- Va t’il prendre en compte mon propre profil métabolique ?
- Est-il en relation avec la compétition que je prépare ?
A vous de jouer pour vous entraîner de manière innovante !
Pour aller plus loin :
- Billat, LV. ; Koralsztein, JP (1996). Significance of the Velocity at V̇O2max and Time to Exhaustion at this Velocity.
- Billat VL & al (1999). Interval training at VO2max: effects on aerobic performance and overtraining markers.
- Cazorla, G (1990). Tests de terrain pour évaluer la capacité aérobie et la vitesse aérobie maximale.
- Jones, A.M. & al ;(2010). Critical power: Implications for determination of vo2max and exercise tolerance.
- Léger, L & al (1998). Optimization of progressive and continuous aerobic testing protocols.
- Margaria R et al (1965). Indirect determination of maximal 02 consumption in man.
- Skiba,P.F. & al (2012). Modeling the expenditure and reconstitution of work capacity above critical power.
- Skiba,P.F. & al (2014). Effect of work and recovery durations on w’ reconstitution during intermittent exercise.
- Smith TP & al (1999). Effects of 4-wk training using Vmax/Tmax on VO2max and performance in athletes.

Karoly Spy, Innov Training CEO & Founder, Vaison-la-Romaine
Karoly est le fondateur de l’application GUTAÏ. Aimant prendre en compte tous les détails liés à la performance pour permettre à l’athlète de développer l’ensemble de son potentiel, il a mis en place une méthodologie d’entraînement dans GUTAÏ avec une approche globale pour ne rien laisser au hasard et maximiser son temps d’entraînement.
Avec plus de 20 ans d’expérience dans l’entraînement d’athlètes d’endurance, que ce soit avec des professionnels ou des amateurs, Karoly s’occupe particulièrement des aspects entraînement & innovation dans GUTAÏ ainsi que de la formation des entraîneurs de la GUTAÏ Academy.
