La saison touche à sa fin, les jours raccourcissent, les températures baissent … cela occasionne souvent une baisse de motivation chez l’athlète d’endurance avec surtout une diminution du volume à consacrer à son entraînement hebdomadaire.
Il est maintenant venu le temps de planifier vos compétitions pour la saison prochaine et de construire votre entraînement hivernal pour performer et atteindre vos objectifs.
Traditionnellement, durant la période hivernale, les triathlètes et les cyclistes partent sur une préparation dite « foncière » avec du travail à basse intensité. En hiver, les températures sont basses, la pluie ou la neige sont bien souvent au rendez-vous, il n’est donc pas agréable de faire de longues heures d’entraînement à basse intensité dans ces conditions !
Faisons le point sur les principes de périodisation.
• La périodisation traditionnelle
Le concept de périodisation existe depuis plus de 30 ans, il consiste à diviser le cycle d’entraînement en phases distinctes avec des objectifs spécifiques en vue d’atteindre des performances maximales au moment de la compétition cible. Le modèle est le suivant : l’athlète doit effectuer un haut volume d’entraînement à basse intensité durant l’hiver puis progressivement diminuer le volume d’entraînement pour y intégrer du travail à intensité élevé à l’approche de la compétition. Ce modèle de périodisation est décrit comme allant du général au spécifique (à la compétition).

À l’origine, la périodisation traditionnelle a été élaborée par le bloc de l’Europe de l’Est pour préparer des athlètes, essentiellement les haltérophiles Russes, à être performant sur une seule compétition « Les Jeux Olympiques » afin de décrocher une médaille d’Or.
Ce qui peut paraître étonnant c’est que ce modèle de périodisation a été popularisé auprès des athlètes et des entraîneurs, dans le monde entier, il est utilisé maintenant au fil des saisons depuis des décennies alors que ce même modèle n’est soutenu que par très peu de recherches scientifiques qui prouveraient son efficacité ou son intérêt.
En utilisant ce modèle on va supprimer l’ensemble du travail spécifique durant la période hivernale. Tout le travail qu’on aura effectué en amont durant la saison précédente et les adaptations spécifiques qu’on aura mis tant de temps à développer vont être réduites ou supprimées et il faudra recommencer presque à zéro à la reprise plus qualitative sur la phase de développement. Du travail à basse intensité durant plusieurs mois ne va pas préparer l’organisme à maintenir une intensité élevée sur une longue durée. Lorsque l’athlète va reprendre le travail à haute intensité il va ressentir beaucoup de difficulté et sera souvent frustré car il se sentira moins performant.
• La périodisation réversible
En ayant une vision centrée sur les exigences spécifiques de la compétition de longue durée et sur le fonctionnement physiologique et biochimique de l’organisme humain, nous pouvons mettre en place une stratégie globale pour permettre à l’athlète d’être constamment sur une phase positive et maintenir ses adaptations spécifiques tout au long de l’année. Pour cela, une approche différente de la périodisation peut être employée en utilisant le concept de périodisation réversible. Au lieu d’avoir une accumulation d’heures d’entraînement à basse intensité et d’ajouter l’intensité progressivement à l’approche des compétitions, la périodisation réversible consiste à inverser ce modèle en effectuant du travail à haute intensité dès la reprise de l’entraînement avec en parallèle du travail neuro-musculaire via un travail de force/vélocité pour superposer progressivement du volume pour le mêler avec du travail à allure spécifique.
Avec ce modèle on ne travaille pas dans un 1er temps l’intensité puis dans un 2ème temps l’endurance. Non on utilise une approche différente mêlant tout le temps intensité et volume avec une augmentation progressive de la charge d’entraînement au fil des blocs pour respecter les ratios de charge.

Cette approche différente en périodisation réversible doit s’envisager et être gérée par une alternance de bloc à orientation spécifique comme préconisée par les travaux d’Issurin et Ronnestad sur l’utilisation du modèle de périodisation par bloc.
En complément, le travail à haute intensité doit être maximisé pour produire les meilleurs effets physiologiques sur l’organisme ce qui permettra de générer de fortes adaptations. Différents travaux scientifiques, dont ceux de Seiler ou Bacon, ont pu mettre en évidence que c’est l’accumulation d’une durée élevée à haute intensité (20 à 30’) en utilisant des intervalles d’effort entre 2’ et 8’, avec un ratio effort : récupération de 2:1 (la période de récupération correspond à la moitié de la période d’effort à haute intensité), qui pourrait générer de meilleures adaptations métabolique (↗️débit cardiaque ↗️VO2max). Le travail à haute intensité avec des intervalles courts (exemple : 30 »/ 30 ») avec une faible accumulation de volume engendrerait lui des adaptations métaboliques au niveau périphérique mais aura en réalité peu d’impact sur la stimulation du VO2max.
La Seiler’s Hierarchy
En complément de la présentation des concepts de périodisation traditionnelle et périodisation réversible, il est intéressant de vous faire une petite introduction des travaux de Seiler qui est un sportscientist Norvégien spécialiste de la périodisation d’entraînement qui a énormément travaillé sur la polarisation d’entraînement.

Ses récents travaux sur la hiérarchie des besoins de l’athlète d’endurance dans sa préparation va dans le sens de la périodisation réversible :
- Importance du volume d’entraînement
- Utilisation du travail à haute intensité pour maximiser les adaptations
- Gestion de la distribution de l’intensité
- Utilisation régulière de l’allure spécifique de course à l’entraînement
Il met également en avant que l’utilisation de la périodisation traditionnelle n’est pas clair et certainement surestimé dans ses bienfaits en terme de progression.
Retour d’expérience
Nous utilisons cette approche de l’entraînement avec nos athlètes depuis maintenant 6 ans. Nous avons pu observer des gains de performance durant la période hivernale et surtout lors des compétitions mais également un plaisir des athlètes à évoluer au sein de ce processus d’entraînement qui n’est pas monotone.
Nous vous invitons également à lire l’interview de Tim KERRISON, Head Coach Team Sky, sur le sujet de cette approche de l’entraînement.
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La périodisation traditionnelle n’est pas mauvaise, selon les athlètes et la discipline préparée, mais une périodisation réversible peut être potentiellement plus adéquate pour les athlètes d’endurance (triathlon, cyclisme, course à pied …).
L’intérêt de la périodisation traditionnelle :
- Les athlètes professionnels qui ont du temps à passer à l’entraînement.
- Les athlètes qui ont la chance d’habiter toute l’année dans un climat chaud.
- Les athlètes qui n’ont pas une bonne condition aérobie de base.
L’intérêt de la périodisation inversée :
- Augmenter son temps de travail à haute intensité pour renforcer les adaptations métaboliques durant une période adéquate pendant laquelle l’athlète n’enchaîne pas les compétitions qui pourrait générer une fatigue préjudiciable.
- Respect du principe de progressivité et de la gestion des ratios de charge
S’entraîner moins l’hiver pour s’épargner les contraintes de la mauvaise météo. - Intéressant pour les athlètes qui n’ont pas un volume élevé à consacrer à l’entraînement durant l’hiver.
- Les athlètes qui s’entraînent sous des climats froids durant l’hiver
Maintenir une forte motivation pour l’entraînement. - Réduire la monotonie des entraînements.
Avec la périodisation réversible, l’athlète se sentira plus fort et en meilleure condition à l’approche de la saison printanière.
L’alliance volume/ haute intensité et du travail à allure spécifique va permettre de maintenir une intensité plus élevée avec un même niveau d’effort (objectif & subjectif).
Vous avez maintenant toutes les cartes entre vos mains pour faire votre propre choix de périodisation hivernale.
- Bacon et al. (2013). VO2max Trainability and High Intensity Training In Humans: A Meta-Analysis.
- Issurin V, 2010. New horizons for the methodology and physiology of training periodization.
- Rønnestad & al, 2014. Block periodization of high-intensity aerobic intervals provides superior training effects in trained cyclists.
- Seiler, & al, 2013. Adaptations to aerobic interval training: interactive effects of exercise intensity and total work duration.
- Seiler, 2010. What is best practice for training intensity and duration distribution in endurance athletes?
- Tonnessen & al, 2014. The road to gold: training and peaking characteristics in the year prior to a gold medal endurance performance.

Karoly Spy
