L’entraînement polarisé est une méthode d’entraînement qui peut s’avérer efficace pour progresser dans les disciplines d’endurance (Triathlon, Trail, Cyclisme …). Toutes les études scientifiques et les retours d’expériences d’entraîneurs ou d’athlètes convergent dans ce sens.
Cette méthode est notamment utilisée avec succès depuis plusieurs années par les équipes Néo-Zélandaises, Australiennes et Anglaises de poursuite en cyclisme sur piste, par des triathlètes élites ou encore des athlètes de fond et ½ fond.
Une distribution judicieuse des intensités au sein du programme va permettre de maximiser les adaptations positives de l’organisme tout en minimisant les effets négatifs.
La méthode polarisée repose sur des bases biochimiques solides qu’il faut connaître et savoir manipuler judicieusement pour en tirer tous les bénéfices.
On parle souvent du VO2max comme un des principaux déterminants de la performance aérobie (Di Prampero, 2003) mais ce n’est pas le seul, d’autres facteurs sont tout aussi voir plus important à développer.
Le VO2max représente le volume maximal d’oxygène pouvant être consommé, par unité de temps, au niveau musculaire durant un exercice physique.
Le système oxydatif, producteur d’énergie
Les exercices intenses et de longue durée nécessitent un apport d’oxygène important pour permettre une production d’énergie et un maintien de l’activité contractile (musculaire) via le système oxydatif (utilisation de l’oxygène).
Pour produire cette énergie, l’organisme dégrade les substrats énergétiques issus de l’alimentation (glucides, lipides et en dernier recours les protéines), en présence d’oxygène, pour les transformer en énergie chimique sous forme d’Adénosine Tri Phosphate (ATP).
Cette énergie chimique contenue dans la molécule d’ATP va permettre de produire, au sein de la cellule musculaire, l’énergie mécanique nécessaire à la contraction et au relâchement musculaire.
La production d’énergie d’origine aérobie est le principal système métabolique lors d’un effort de longue durée, il a lieu au sein des mitochondries.
La mitochondrie est la centrale énergétique de la cellule musculaire. C’est là que se déroulent les dernières étapes de la respiration cellulaire qui vont transformer les substrats issus de l’alimentation (glucides, lipides, protéines) en énergie directement utilisable par la cellule musculaire sous forme d’ATP

Quelles sont les adaptations induites par l’entraînement aérobie ?
L’entraînement aérobie provoque une multitude d’adaptations au sein de l’organisme :
- Une augmentation du transport de l’oxygène (0²) vers les muscles actifs.
- Une augmentation des cavités cardiaques
- Une augmentation de la contractilité du muscle cardiaque
- Une diminution des résistances périphériques avec l’augmentation de la capillarisation
- Une augmentation du Volume d’Ejection Systolique (volume de sang que le coeur éjecte à chaque battement)
- Une augmentation du nombre et de la taille des mitochondries
- Une augmentation de la concentration des enzymes oxydatives qui favorise la vitesse des réactions chimiques
- Une augmentation de la densité des capillaires
- Une augmentation de la concentration en myoglobine
- Et une diminution de l’affinité entre l’hémoglobine et l’O² qui favorise ainsi une meilleure diffusion d’oxygène au niveau musculaire.
La liste est longue mais en ayant une connaissance approfondie de ces différents paramètres, nous pouvons avoir une action dessus pour permettre de maximiser les effets de l’entraînement !
L’alliance gagnante = LIT + HIT
Le but de l’entraînement aérobie est d’optimiser les processus d’adaptation au niveau circulatoire et musculaire.
L’alliance du travail à basse intensité, ou LIT (pour Low Intensity Training), et du travail à haute intensité, ou HIT (pour High Intensity Training), va être complémentaire pour maximiser le signal adaptatif de la cellule musculaire afin d’augmenter ses capacités oxydatives (meilleure utilisation de l’oxygène au niveau musculaire).
Au niveau moléculaire, le LIT et le HIT vont poursuivre le même objectif et provoquer les mêmes effets en activant un co-activateur de transcription dénommé PGC-1α.
Celui-ci va jouer un rôle clé dans les différentes adaptations liées à l’entraînement aérobie. En effet, PGC-1α joue un rôle majeur dans le contrôle du métabolisme énergétique au sein du muscle squelettique :
- Augmentation du nombre de mitochondries, grâce à la stimulation de la biogénèse mitochondriale (formation de nouvelles mitochondries), engendrant une meilleure oxygénation musculaire
- Amélioration de l’oxydation des acides gras
- Conversion des fibres musculaires de type II (rapides glycolitiques) en fibres de type I (lentes oxydatives)
- Captation accrue de glucose par une augmentation du nombre de GLUT4 (protéine qui transporte le glucose du sang vers les muscles).

Le PGC -1 α permet de jouer sur les différents déterminants de la performance aérobie, il est un acteur incontournable de la progression de l’athlète d’endurance !
L’optimisation de la signalisation de PGC -1 α va être rendu possible en alliant les différents processus biochimiques engendrés par le travail à basse et haute intensité.
Les vertus du Low Intensity Training (LIT)
L’exercice de longue durée impose aux muscles en activités des contractions répétées. Au niveau biochimique, ces contractions musculaires répétées vont engendrer une forte augmentation (+100 à 4000x) d’ions Calcium (Ca2+).
Cette libération importante de Ca2+ va entraîner une stimulation d’une enzyme, la CaMK, qui elle-même va activer la signalisation de PGC -1α.
Les vertus du High Intensity Training (HIT)
L’entraînement réalisé à haute intensité va également permettre la signalisation de PGC -1 α mais en ayant une action sur un levier énergétique différent.
Dans ce cas de figure, pour faire face à une forte demande en énergie, l’organisme va devoir augmenter sa production d’ATP à partir de l’association de 2 molécules d’Adénosine Diphosphate [ADP]. Ce fort taux de renouvellement de l’ATP à partir de 2 ADP va entraîner un surcoût d’Adénosine Mono Phosphate [AMP].
ADP + ATP = ATP + AMP
L’AMP va activer l’enzyme AMPK qui elle-même va stimuler la signalisation de PGC -1α.
Applications pratiques
La compréhension des différents mécanismes énergétiques est importante pour l’entraîneur et/ou l’athlète afin de comprendre le travail qu’il met en place.
L’alliance du travail à basse intensité (LIT) et du travail haute intensité (HIT) va engendrer des adaptations physiologiques différentes (périphérique et/ ou centrale) tout en poursuivant le même but, à savoir la stimulation de PGC -1α.
- Le LIT va maximiser des adaptations périphériques (exemple : la densité capillaire)
- Le HIT va optimiser la signalisation des adaptations centrales (débit cardiaque) et des adaptations périphériques (densité capillaire et capacités oxydatives musculaires).
Pour ce faire, il faudra veiller à bien distribuer, jour après jour, les intensités d’exercice au sein du programme d’entraînement. Les travaux de Seiler sur la polarisation d’entraînement mettent ainsi en évidence qu’une répartition optimale de la distribution hebdomadaire des zones d’intensités d’entraînement peut augmenter la signalisation cellulaire du fameux PGC-1α et ainsi générer des gains importants de progression.
Mais avant de s’engager dans un entraînement polarisé, il faut avant toute chose bien définir ses zones d’intensités.
Définir ses zones avec GUTAÏ
Dans GUTAÏ on utilise le concept d’intensité critique (IC) pour définir les zones d’intensités. L’IC est un repère physiologique fiable qui est situé entre le seuil lactique et le VO2max.
Pour en savoir plus sur l’IC GUTAÏ cliquez ici
A partir de l’IC on peut définir 3 zones d’intensités qui vont servir de base pour distribuer les intensités hebdomadaires d’entraînement.

Avec GUTAÏ rien de plus simple, il vous suffit d’effectuer des tests de performances pour déterminer automatiquement vos zones d’intensités :
- Natation: 400m + 800m
- Vélo: 5′ + 20′
- Course à pied: 5′ + 20′
Les zones d’intensités sont automatiquement calculées dans GUTAÏ pour chaque discipline (natation, vélo, course à pied) et chaque contexte (taille du bassin, indoor, outdoor plat, outdoor montée, virtual).
Utiliser la méthode polarisée en pratique
Lorsqu’on utilise la polarisation d’entraînement on aborde la préparation d’une manière différente. On en pense plus l’entraînement par rapport aux fondements traditionnels de la programmation avec une organisation par cycles en commençant par un cycle foncier (incluant essentiellement du travail à basse intensité) avant d’aborder les cycles intensifs ou encore utiliser la méthode de travail au seuil. Non, l’entraînement polarisé consiste à mêler adéquatement « Volume et Intensité » tout au long de la préparation pour maximiser les réponses biochimiques de l’organisme. On ne parlera plus de programmation mais de gestion de la distribution des intensités d’entraînement.
La méthode polarisée a été popularisée par le scientifique Stephen Seiler. L’article « Intervals, Thresholds, and Long Slow Distance: the Role of Intensity and Duration in Endurance Training » de Seiler & Tønnessen pose les bases de cette approche.
Pour trouver la répartition hebdomadaire optimale des zones d’intensités, les chercheurs ont suivi l’entraînement d’athlètes élites dans différentes disciplines d’endurance. Ils ont pu mettre en évidence la répartition hebdomadaire moyenne suivante des intensités d’entraînement :
- Z1 : 75 à 80%
- Z2 : 5%
- Z3 : 15 à 20%
Les athlètes élites en endurance passeraient donc la plus grande proportion de leur entraînement en-dessous du seuil lactique et passeraient finalement peu de temps à haute intensité.

Ici on parle d’athlètes élites avec un volume élevé d’entraînement. Avec ce modèle un athlète s’entraînant 30h/ semaine passerait :
- 24h de son entraînement à basse intensité
- 6h de son entraînement à haute intensité
Pour un athlète amateur s’entraînant 10h/ semaine on aurait la répartition suivante :
- 8h de son entraînement à basse intensité
- 2h de son entraînement à haute intensité
On peut voir que 2h d’entraînement à haute intensité c’est un volume très élevé pour un athlète amateur. A titre d’exemple ça représente 4 séances HIT de 6*5’ Z3/ r 2’30’’ Z1.
Pour les athlètes amateurs que nous sommes, intéressons-nous à une étude réalisée auprès de coureurs amateurs sur 10Km (Munoz & al, 2014). Ils ont suivi l’entraînement de 30 coureurs en les répartissant en 2 groupes :
- Le groupe 1 a suivi un entraînement polarisé avec la répartition moyenne par zone suivante durant les 10 semaines : 72,9% en Z1 ; 13,5% en Z2 ; 13,6% en Z3
- Le groupe 2 a suivi un entraînement pyramidal avec la répartition moyenne par zone suivante durant les 10 semaines : 46,8% en Z1 ; 37,3% en Z2 ; 15,8% en Z3
Les 2 groupes ont significativement améliorés leur chrono sur 10Km (39min18s ± 4min54s vs 37min19s ± 4min42s pour le groupe Polarisé ; 39min24s ± 3min54s vs 38min0s ± 4min24s pour le groupe Pyramidal). Le groupe polarisé a en moyenne amélioré ses performances de 5% vs 3,6% pour le groupe pyramidal, ce qui n’est pas significativement différent.

La polarisation d’entraînement (80-20) peut-elle être utilisée sur les épreuves d’ultra-endurance (>4h) ?
Une étude de Munoz et son équipe (2014) s’est intéressée au suivi de triathlètes amateurs durant les 18 semaines de préparation d’un Ironman. Les répartitions moyennes des intensités étaient les suivantes :
- Z1 : 68%
- Z2 : 28%
- Z3 : 4%
Sur cette population on voit que le temps d’entraînement en Z3 est moins élevé ce qui est cohérent pour travailler spécifiquement mais également pour ne pas générer une fatigue excessive. Cette étude a permis de montrer que la performance sur distance Ironman est corrélée au temps d’entraînement passé en Z1. Plus athlètes ont un temps d’entraînement élevé en Z1 (principalement en vélo), plus ils sont performants sur cette distance. Ils en ont conclu que sur des épreuves d’ultra-endurance (>4h) l’entraînement doit principalement s’orienter sur un travail en Z1 tout en conservant des stimulations dans les autres zones mais de manière moins élevée que sur le modèle classique 80-20.
On voit bien qu’il n’y a pas qu’une vérité dans l’entraînement mais plutôt des orientations à avoir en fonction de l’objectif qu’on prépare et de son niveau. Un entraîneur GUTAÏ pourra parfaitement vous orienter sur le modèle qui vous correspond. Nous avons également la fonctionnalité « Distribution des intensités » qui pourra vous indiquer automatiquement le % de réparation par zones d’intensités (à l’échelle de la séance, de la semaine, du mois …) et vous guider sur le modèle à utiliser en fonction de votre niveau et de votre objectif.

Les limites du modèle Polarisé
Comme on a pu le voir, il n’y a pas qu’une vérité dans l’entraînement et dans la distribution hebdomadaire des zones d’intensités. Selon le statut de l’athlète (élite vs amateur) ou la discipline préparée (exemple : ultra-endurance), le modèle polarisé proposé sur une base de 80% Z1 et 20% Z3 ne répond pas tout le temps et peut même s’avérer néfaste (exemple : préparation d’un ironman).
Un autre modèle émerge en parallèle ces dernières années, il s’agit de l’entraînement pyramidal qui prend en compte chaque zone d’intensité pour coller au plus près à la spécificité de la discipline préparée. Celui-ci serait plus propice pour la préparation des efforts de longue durée (marathon, cyclosportive, 70.3, Ironman ou ultra-trail). L’entraînement pyramidal sera le sujet du prochain article, vous pourrez découvrir l’intérêt de cette méthode et ses fondements physiologiques.
Les points à retenir sur la polarisation d’entraînement
L’approche de la périodisation d’entraînement n’est pas simple à appréhender, il faut manier intelligemment l’alliance du travail à basse, moyenne et haute intensité pour générer les adaptations biochimiques souhaitées en relation avec les spécificités de la discipline préparée pour permettre à l’athlète de progresser et atteindre ses objectifs.
Chaque athlète étant différent et unique, la réponse à l’entraînement l’est également !
Nous pouvons donner des pistes à suivre qui fonctionnent et permettent d’engendrer les améliorations souhaitées :
- L’entraînement à basse intensité est le fondement de la préparation des épreuves d’endurance et d’ultra-endurance (>4h d’effort).
- L’entraînement à haute intensité (HIT) est essentiel dans tous les programmes d’entraînement en endurance pour progresser mais son % par semaine ne doit pas être identique pour tous les athlètes (pro vs amateur ; ½ fond vs ultra-endurance)
- Selon la période de la saison et le format de compétition préparé, la distribution hebdomadaire des intensités d’entraînement doit évoluer
Pour aller plus loin
- Di Prampero PE (2003). Factors limiting maximal performance in humans.
- Esteve-Lanao, J et al. (2007). Impact of training intensity distribution on performance in endurance athletes.
- Laursen, PB (2010). Training for intense exercise performance: high-intensity or high-volume training?
- Munoz, I & al (2014). Does Polarized Training Improve Performance in Recreational Runners?
- Munoz, I & al (2014). Training-Intensity Distribution During an Ironman Season: Relationship With Competition Performance
- Poortmans JR (2009). Biochimie des activités physiques et sportives.
- Seiler, S & Tonnessen, E (2009). Intervals, thresholds, and long slow distance: the role of intensity and duration in endurance training.
- Seiler, KS (2010). What is best practice for training intensity and duration distribution in endurance athletes?

Karoly Spy
