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Chaussures carbones : la cours des miracles ?

par | Juil 19, 2021 | Training | 0 commentaires

États des lieux et perspectives

Les fameuses chaussures (à lame de) carbone font fantasmer tous les runners de la planète quel que soit leur niveau depuis maintenant près de 5 ans. D’abord avec une apparition top secrète dès les J.O. de Rio en 2016 chez les meilleurs athlètes américains de la marque à la virgule qui portaient des chaussures maquillées. Il y eut ensuite une opération marketing d’ampleur mondiale en deux temps, en 2017 avec Breaking 2 puis en 2019 avec le projet Ineos 1h 59 Challenge et les 1h59’40’’ d’Eliud Kipchoge le 12 octobre 2019 et ses chaussures non commercialisées avec 3 lames de carbone. Des résultats commerciaux sans précédents et bien au-delà des espérances des grands argentiers de l’Oregon avec des pénuries généralisées ont marqué l’arrivée en fanfare de ce nouveau phénomène du running. Et ce malgré un positionnement sur un segment de marché très élitiste tant sur l’usage initial destiné au haut niveau que sur le prix de ces chaussures magiques (250 euros en moyenne).

Mais on le sait bien le rêve et la promesse de toute puissance n’ont pas de prix…

Tant d’articles ont été écrits sur le sujet, amenant le débat sur le terrain du dopage technologique en affirmant que les gains de performance sont directement induits par le port de ces chaussures. Les performances iraient alors bien au-delà de ce que peut engendrer le meilleur entraînement possible, pour aller jusqu’à dénaturer l’essence même de la pratique de la course à pied.

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Asics MetaSpeed Sky

Bon alors ces chaussures sont-elles si efficaces que cela ?

Est-on réellement entré dans une nouvelle ère du running avec les chaussures à lame de carbone (sans oublier la mousse qui nous le verrons est au moins toute aussi importante) ?

Est-ce une véritable révolution ou une simple évolution technologique ?

En effet tentons d’objectiver le gain de performance que procure cette technologie maîtrisée désormais par la plupart des grands équipementiers.

Même si quelques écarts de performance subsistent encore en fonction des marques, nous partons du principe que le gain n’est plus fonction de la marque comme cela a pu l’être jusqu’à début 2020.

De nombreuses études scientifiques ont été menées sur la question et de nombreuses conclusions sérieuses.

Que peut-on en dire ?

Maximilien Lapierrière dans 2 articles parus sur le blog de la Clinique du coureur en mars et avril 2020 (1) fait un bilan très complet sur le sujet en rappelant le phénomène sportif et commercial comme nous venons de le faire, et en analysant les études scientifiques, statistiques et analytiques.

Nous ne reviendrons donc pas sur le détail de ces études mais rappelons et discutons les conclusions au regard de ces études et proposons notre propre analyse.

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Saucony endorphin pro

1- Le gain de performance est certain

Il est induit par une réduction de la consommation d’oxygène et une amélioration de l’économie de course.

 Et ce pour 3 raisons liées aux propriétés des chaussures :

  • POIDS,
  • RIGIDITÉ et effet ressort de la lame de carbone,
  • AMORTI ET RESTITUTION D’ÉNERGIE des mousses liés à leurs propriétés d’absorption et leur épaisseur.

Jusqu’au printemps 2020, avant que toutes les marques soient performantes sur le segment, plusieurs études nuançaient le gain de performance avec cette technologie notamment pour battre en brèche la stratégie marketing cannibale de Nike. Avec une année supplémentaire de recul et l’arrivée de la concurrence, on s’aperçoit que ce n’est pas uniquement le monopole d’un équipementier qui explique le gain de performance avec ce type de technologie mais bien les nouvelles propriétés de ces chaussures.

Il nous sera opposé le désormais monopole du carbone sur les compétitions mais jamais autant de records mondiaux ou personnels n’ont été battus auparavant sans cette technologie…

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Nike Air Zoom Alphafly Next

2 – Un gain très variable en fonction de chacun

Quel gain de performance réel ?

Les limites des études sont ici atteintes. En effet, on s’aperçoit que les publications annoncent des gains très variables selon les éléments considérés.

Les études qui balayent la période de 2018 au printemps 2020 attribuent le gain de performance de 4 % pour le grand public entraîné à la combinaison du poids et du maintien d’un amorti très épais associé à l’utilisation massive de ces modèles.

Pour l’élite mondiale le gain n’était que de 1 % mais on s’aperçoit que l’explosion des chronos fin 2020 sur semi-marathon et 10 kms notamment, ont remis en question ces conclusions.

Pour autant et surtout de façon statistique, on peut s’accorder sur un gain de 2 à 3 % de performance pour le niveau national.

Il faut immédiatement nuancer ce chiffre en précisant que la technique de course et l’économie de course qu’elle engendre influe très largement sur ce gain.

On comprend donc aisément que ce gain est très variable et très individuel.

Un facteur à ne pas négliger viendrait renforcer la grande variabilité des performances en fonction des individus, l’effet placebo. Ce fameux effet très individuel, bien connu dans la pharmacologie, consistant tout simplement à croire aux performances du produit, fonctionnerait aussi très bien pour réaliser des performances sportives même si cela n’a pas encore été suffisamment prouvé avec les chaussures carbone.

HOKA CARBON X 2

HOKA CARBON X 2

3- Un recul encore insuffisant

De manière statistique, il a été constaté en moyenne des gains de plus de 39 secondes sur 10 kms à l’occasion de la corrida de Houilles en décembre 2019 (2) chez des athlètes hommes valant moins de 32’ et de plus de 4’ sur marathon chez les hommes et chez les femmes lors d’une étude sur plus de 1500 athlètes en 2020.

Les chiffres de la corrida de Houilles n’ont pas forcément été confirmés dans leur ampleur sur d’autres 10 kms, attestant peut-être de conditions générales remarquables (adversité, température, hygrométrie, aérologie, parcours,…), même si d’autres études statistiques de ce type n’ont pas été menées à l’échelle d’une saison sportive, et on comprend pourquoi avec la crise sanitaire qui est passée par là… Il sera pour autant intéressant de réaliser ce travail sur une saison complète, peut-être en 2022 et comparer l’évolution des performances avec une ou plusieurs saisons avant la généralisation du carbone dans les compétitions…

Les chiffres sur marathon ont eux une résonnance statistique plus significative, tout du moins pour l’échantillon cible qu’étaient les athlètes dits élites (moins de 2h 24 chez les hommes et moins de 2h 45 chez les femmes). On relève immédiatement que la part du gain est très différente entre les hommes et les femmes.

Comment l’expliquer ?

Peut-être un déficit de puissance engendrant une moindre optimisation des capacités de renvoi de la lame de carbone et de restitution d’énergie de la mousse ? A vérifier dans une prochaine étude…

Peut-être est-ce lié à l’économie de course qui est chez les élites féminines une qualité très optimisée ? En effet, est-ce que le gain de performance est similaire avec un athlète bénéficiant déjà d’une très bonne économie de course ? Le gain est dès lors uniquement à trouver dans l’effet ressort de la lame de carbone et donc peut-être moindre ?

Il sera là aussi intéressant de vérifier ces hypothèses, par des études analytiques normées et croisées avec des investigations sur la technique de course et les préférences motrices.

Le dernier biais de ces études, le plus important, réside bien sûr dans le manque de données à grande échelle sur le grand public entraîné. En effet, le runner projette son gain de performance sur le référentiel de l’élite, mais qu’en est-il réellement ?

Le gain est-il proportionnel voire exponentiel à la durée de course ou interdépendant de la puissance propulsive et de la technique de course et inversement proportionnel au niveau de l’athlète ? Tout cela reste à préciser.

Il sera alors temps de se pencher sur l’accidentologie des chaussures carbone.

Se blesse-t-on plus ou moins, pourquoi ? Tous les profils de coureurs et coureuses sont-ils susceptibles de se blesser ?

NEW BALANCE FUELCELL TC

NEW BALANCE FUELCELL TC

Pour conclure :

Pour répondre à notre titre un brin provocateur, les chaussures carbone ne sont pas miraculeuses, elles ne dispensent quiconque de s’entraîner pour battre ses records.

Pour autant si miracle il y a, il réside dans le progrès systématique de ses utilisateurs.

Pour maintenant statuer sur la réalité d’une nouvelle ère, s’assurer de sa pérennité et du caractère révolutionnaire de ces chaussures, il faudra attendre de vérifier qu’elles n’aient pas encore davantage creuser les écarts de niveaux et que ce gain de performance profite à tous.

À lire aussi :

Gestion de l’entraînement : mieux doser pour moins se blesser : https://gutai-training.com/gestion-de-lentrainement-mieux-doser-pour-moins-se-blesser/ 

Quelle est la bonne alimentation pour un sportif ? : https://gutai-training.com/quelle-est-la-bonne-alimentation-pour-un-sportif/

Yannick entraîneur GUTAÏ JURA

Yannick

Passionné par tous les sports depuis toujours, j’ai fait des études en STAPS, je suis titulaire d’un master 2 en entraînement et préparation physique. J’ai été directeur sportif du club d’athlé de Talence pendant près de 10 ans.

J’entraîne en athlé, running et trail tout niveau depuis 15 ans, j’ai aussi exercé dans le rugby et je m’adonne désormais pleinement au vélo où je me prends au jeu…

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